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Quand la science et la voyance cessent de s’opposer

Cartographier l’invisible


Entre cerveau, âme et survivance intérieure


Il arrive que la vie nous laisse face à des portes closes : un deuil, un choc, une perte de sens. Alors le visible, avec ses repères rassurants, s’effondre. Et si, à cet instant précis, l’invisible n’était pas un refuge irrationnel… mais une fonction essentielle de survie ?


C’est ce que j’ai voulu explorer dans ma dernière pièce, Cartographier l’invisible. Une traversée théâtrale à trois voix : un neurologue, une patiente, un voyant. Trois regards, trois langages, une seule question : comment continuer à respirer quand le réel ne suffit plus ?


Quand la science et la voyance cessent de s’opposer


Le Pr. Valère Méricourt, personnage inspiré de mes lectures et rencontres, incarne la rigueur du neurologue. Pour lui, tout commence dans le cortex, les synapses, les circuits de régulation émotionnelle. Et pourtant… une part de lui doute, vacille, cherche à comprendre ce que ses instruments ne captent pas.


Face à lui, Yann — un voyant, un poète, un homme qui écoute ce que l’on ne dit pas. Il ne prouve rien. Il ressent, il traduit. Il affirme que l’invisible n’est pas un mensonge mais un langage archaïque, celui que notre inconscient utilise quand les mots ne suffisent plus.


Et puis, il y a Salomé. Elle ne veut ni croire, ni guérir à tout prix. Elle veut comprendre sa douleur autrement. À travers elle, c’est peut-être chacun de nous qui cherche une issue — pas forcément une solution, mais un passage.


L’invisible : une cartographie intime


Ce que la pièce propose, c’est un espace symbolique. Un théâtre intérieur. Une tentative sincère d’unir deux mondes qu’on oppose trop souvent : celui de la rationalité, et celui de l’intuition. Mais les deux parlent de la même chose : l’humain qui ne veut pas sombrer.


"Cartographier l’invisible", c’est une manière de dire : j’accepte ce que je ne comprends pas encore, mais que mon âme, elle, reconnaît comme juste.


Titre : Les Clés de l’Invisible


ACTE I – La Porte


Scène 1 : Salle de colloque. Fin d'une conférence.


(Le rideau s’ouvre sur une salle de conférence sobre. Un pupitre. Quelques fauteuils. Le professeur MÉRICOURT referme un carnet de notes. YANN LECOQ, debout au fond, l’observe.)


MÉRICOURT

... et pour conclure, nous ne pouvons ignorer que le cerveau, dans certaines conditions de stress ou de deuil, active spontanément des circuits narratifs — parfois irrationnels — pour maintenir la cohésion psychique.


(Applaudissements mesurés. MÉRICOURT salue. Le public se disperse. YANN avance, calme, presque mystique.)


YANN

Vous avez oublié de parler de la frontière.


MÉRICOURT

(deconcerté)

La frontière ?


YANN

Celle entre l’histoire que l’on se raconte... et l’histoire qui nous appelle. Entre le visible et l’autre récit. Celui que le cerveau ne comprend pas, mais que l'âme reconnaît.


MÉRICOURT

Vous parlez en poète. Ou en mystique.


YANN

En voyant. Et vous, vous parlez en cartographe. On pourrait se compléter.


(SALOMÉ entre, discrète, comme attirée par quelque chose qu’elle n’explique pas encore. Elle hésite, les observe.)


SALOMÉ

Je peux... ?


YANN

Bien sûr. Ce genre de conversation attire toujours les bonnes personnes.


MÉRICOURT

(avec courtoisie)

Asseyez-vous. Nous partagions... des clés.


SALOMÉ

Yann m’a dit un jour : "Face à une porte close, emprunte l'invisible." Je n’avais pas compris. Mais je l’ai fait. En rêve. Et la douleur s’est déplacée.


MÉRICOURT

Ce que vous avez vécu est une réorientation symbolique. Une mécanique cognitive très fine. Le cerveau fabrique une issue narrative quand la réalité devient étouffante.


YANN

L'invisible est un territoire que le réel ne peut pas cartographier. Il n’est pas irréel. Il est... présent autrement.


SALOMÉ

Mais si c’est juste mon imagination ?


MÉRICOURT

Alors votre imagination est médecin.


YANN

Et peut-être prophète.


(*Silence. Les trois se regardent. Quelque chose vient de naître.)


YANN

Je propose qu’on continue. Pas comme théoriciens. Mais comme explorateurs. Trois voyageurs dans une même tempête.


MÉRICOURT

(troublé, mais sincère)

D’accord. Mais à condition de ne pas renier la science.


SALOMÉ

Et moi, je veux juste... pouvoir respirer à nouveau. Si l'invisible ouvre une fenêtre, je la prends.


(Noir. Rideau. Fin de l'Acte I.)



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ACTE II – Le Passage


Scène 1 : Le cabinet de Yann. Fin de journée.


(Un espace tamisé. Des rideaux épais. Des bougies éteintes. Un fauteuil au centre. SALOMÉ est assise, yeux fermés. YANN l’accompagne dans une exploration intuitive.)


YANN

Tu marches. Devant toi, le mur. La même paroi. Toujours. Mais à ta gauche, un courant d’air. Ça te surprend.


SALOMÉ

(souffle)

Je le sens. Il vient d’en haut. Ou de très loin.


YANN

Alors tu le suis. Ce n’est pas une fuite. C’est une mémoire qui respire.


SALOMÉ

(avec larmes)

Je vois... quelque chose. C’est flou. Mais je me sens moins seule.


YANN

L’invisible est plein de ceux qu’on a aimés. Il ne ment pas. Il n’a pas besoin.


(Noir. Fondu sur la scène suivante.)


Scène 2 : Bureau du Pr. MÉRICOURT. Début de soirée.


(Livres, cerveaux miniatures, dossiers ouverts. YANN est venu le voir. Ils discutent à bâtons rompus.)


MÉRICOURT

Vous lui faites du bien. Je le vois. Mais je reste prudente. Le cerveau est fragile. Il peut confondre salut et illusion.


YANN

Et si l’illusion était un pont ? Pas une imposture. Une architecture transitoire. Une manière de survivre à la réalité brute.


MÉRICOURT

(soupire)

Il y a une plasticité émotionnelle, oui. Une créativité résiliente. Mais je vous avoue... j’envie un peu vos mots. Ils réconcilient. Les miens tranchent.


YANN

Alors faisons dialogue. Pas guerre.


(Noir. Transition.)


Scène 3 : Chez Salomé. Nuit.


(Ambiance lunaire. SALOMÉ seule. Elle parle à voix haute, comme en dialogue intérieur. Une lettre, un objet, une photographie à la main.)


SALOMÉ

J’ai peur de guérir. Parce que la douleur me tient compagnie. Mais j’ai plus peur encore de rester figée. Alors j’ouvre. Je ne sais pas ce qu’il y a derrière. Mais j’ouvre.


(Elle ferme les yeux. Long silence. Puis elle sourit, imperceptiblement.)


SALOMÉ

Merci. Papa.


(Noir. Rideau. Fin de l'Acte II.)



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ACTE III – La Traversée


Scène 1 : Un théâtre vide. Symbolique.


(Trois fauteuils au centre, disposés en triangle. Les personnages entrent un à un. L’espace est onirique. Les murs sont transparents. La parole devient rite.)


SALOMÉ

Je vous ai fait venir ici. Ce lieu n’existe pas. Et pourtant, je m’y sens plus réelle que jamais. Comme si la douleur était restée dehors.


YANN

Tu as changé d’étage. Tu habites maintenant la pièce secrète.


MÉRICOURT

(troublé)

Je suis venu avec mes doutes. Mes protocoles. Mais je veux comprendre. Ce que vous ressentez.


SALOMÉ

J’ai vu une pièce où mon père vivait encore. Pas une hallucination. Un souvenir... réinventé. Mais réparateur.


MÉRICOURT

Ce que vous appelez réinvention, j’appelle ça plasticité mémorielle. Mais j’admets que la science ne suffit pas toujours. J’ai, moi aussi, perdu quelqu'un. Et... j’ai cru entendre sa voix. Une fois.


(Silence. YANN ne dit rien. Il hoche la tête. Comprend.)


YANN

L’invisible est un miroir. Mais il faut du courage pour s'y regarder sans tout briser.


SALOMÉ

Alors... qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?


MÉRICOURT

On accepte de ne pas tout comprendre.


YANN

Et on continue à ouvrir les portes. Ensemble.


(Les trois se regardent. Chacun ouvre symboliquement une porte invisible. Musique douce. Rideau lentement.)


FIN



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