top of page
Photo du rédacteurYann Lecoq

Journal de bord d'une folle : un chaos magnifique / Partie 1


une femme assise sur un lit d'Hospital
“Peut-être que je suis une coque brisée, mais je flotte encore. Et c’est déjà beaucoup.”

Une étoile


Caroline marche dans un couloir sans fin.

Les murs de l’unité sont blancs, mais dans son esprit, ils s’effritent.

Le vide qu’elle porte en elle n’est pas une absence.

C’est un précipice.

Un gouffre qui aspire les odeurs familières,

le parfum des fleurs,

la chaleur des draps.

Tout s’éteint lentement, comme si son monde perdait ses contours,

comme si l’âme elle-même se dissolvait.

Son cœur, autrefois équilibré,

a rompu son pacte fragile avec la vie.

Désormais, chaque battement est un écho,

un appel vers un endroit qu’elle ne reconnaît pas.

Elle pleure sans bruit.

Son regard est un voile d’armes

de larmes retenues, peut-être

comme une vitre embuée qui ne reflète plus rien,

ni le ciel, ni l’espoir.

Rien n’est en ordre.

Ni la culpabilité qui ronge,

ni la conscience qui vacille.

Les miroirs de l’âme, autrefois clairs, sont devenus des labyrinthes,

des reflets cassés d’une personne en quête de sens.


1er octobre 2024, 19h21

Le crépuscule se glisse à travers les fenêtres hautes. Caroline regarde les ombres s’allonger sur le sol, et elle pense à l’abîme qu’elle porte en elle. Elle a l’impression que cet abîme aspire tout : la chaleur des autres, les odeurs familières, le goût même de ce qu’elle mange. Tout devient fade, lointain.

Elle ferme les yeux, et dans cet instant suspendu, elle imagine un torse. Un torse large, où elle pourrait poser sa tête lourde et bruyante. Ce torse, elle ne l’imagine pas parfait, mais vivant. Elle rêve d’un souffle régulier, d’un battement de cœur, comme une mélodie capable de recouvrir le bruit de ses pensées. Ce rêve est fragile, presque honteux, mais il est là.


2 octobre 2024, 02h40

La nuit est un désert. Caroline fixe le plafond, mais elle voit autre chose : des vagues immenses qui se croisent en elle, des océans entiers qui s’entrelacent, se brisent, se superposent. Elle pense aux sept océans, ces forces incontrôlables qui semblent défier toute logique. Elle se demande si ce chaos a un sens, ou si elle est simplement perdue dans une tempête sans fin.


Sa gorge est sèche, mais elle n’a pas envie de boire. Son corps lui semble étranger, comme un vaisseau maudit dérivant sans destination. Mais quelque part, une image surgit : celle d’une petite barque, seule au milieu des flots. Peut-être qu’elle est cette barque. Peut-être qu’elle peut flotter, même au cœur de la tempête.


Sommes nous


Mais une question lui reste.

Aimer, est-ce devenir le geôlier de l’autre ?

Sommes nous coupables de l’attente que nous suscitons ?

Sommes nous responsables de nourrir l’âme affamée de l’autre,

au risque de sacrifier la nôtre ?

L’amour, ce pacte silencieux,

est-il une main tendue, ou une chaîne ?

Caroline le sait : parfois, aimer, c’est s’assujettir,

c’est devenir coupable de ne pas donner assez,

ou de donner trop.

Et pourtant, dans cette unité où tout semble se taire,

un murmure persiste, fragile mais vivant.

Une étoile peut s’éteindre, mais son éclat demeure,

dans le noir des nuits et des souvenirs.


2 octobre 2024, 08h15

Le matin arrive, mais il ne lui apporte aucune clarté. Caroline se lève, mais ses mouvements sont mécaniques. Elle touche son visage, comme pour s’assurer qu’elle est encore là, qu’elle n’a pas disparu dans les limbes de son esprit. L’odeur du café flotte dans l’air, mais elle n’en veut pas. Rien ne semble réel.

Elle regarde les autres patients. Leurs visages sont fermés, mais leurs souffles sont visibles, humains. Elle voudrait parler, mais les mots restent bloqués dans sa gorge. Alors elle fait un vœu silencieux : “Qu’on me voie. Qu’on entende ce silence qui hurle en moi.”


3 octobre 2024, 05h14

La douleur est une présence sourde, tapie dans sa poitrine. Ce n’est pas une douleur physique, mais une tension constante, comme un nœud qu’elle ne parvient pas à dénouer. Elle se sent comme une pierre brute, frappée par le chaos, brisée pour être remodelée.

Elle pense à l’abîme, cet espace en elle qu’elle redoute mais qui l’attire aussi. Peut-être que cet abîme n’est pas une fin, mais un seuil. Peut-être qu’elle doit y plonger pour se retrouver. Mais l’idée la terrifie. Pour l’instant, elle reste au bord, immobile.


Tombe


Caroline trébuche, encore.

Le sol ne lui pardonne rien,

ni sa maladresse, ni son épuisement.

Elle tombe, mais cette fois, c’est différent.

La douleur n’est pas physique,

elle est dans l’âme,

comme une marée qui submerge tout.

Elle regarde ses mains,

des témoins silencieux de sa chute.

Elles tremblent, mais rien ne s’en échappe :

ni le poids de la culpabilité,

ni les fragments d’une vie qui ne tient plus debout.


3 octobre 2024, 19h49

La lumière du soir s’adoucit, mais Caroline ne la voit pas. Elle s’assied près de la fenêtre et regarde dehors, les mains agrippées à ses genoux. Elle pense de nouveau à ce torse. À cette chaleur qu’elle imagine, ce refuge où elle pourrait reposer sa tête. Elle veut un regard, une main, un souffle qui lui dirait : “Tu peux poser ton fardeau ici, je suis là.”


Mais ce torse, elle sait qu’il n’existe pas ici. Ce qu’elle cherche est un semblable, quelqu’un capable de porter son poids sans s’effondrer lui-même. Ce vœu, pense-t-elle, n’est pas une demande égoïste. C’est une quête universelle.


Et cette fois, elle ne sait pas


Caroline avance, mais ses pas sont incertains.

Elle ne sait pas où elle va, ni pourquoi elle continue.

Elle a peur.

Une peur viscérale, froide,

qui s’enroule autour d’elle comme une brume dense.

Dans cette unité où les murs semblent respirer d’un souffle oppressant,

Caroline cherche quelque chose.

Quelqu’un.

Un regard qui lui dise : “Moi aussi, je suis tombé.”

Elle ne veut plus être seule dans ce labyrinthe,

perdue dans ses pensées,

enfermée dans cette douleur qu’elle connaît trop bien.


4 octobre 2024, 00h37

Caroline se recroqueville dans son lit, comme une feuille qui se plie sous la pluie. Le silence de la nuit est si dense qu’il en devient bruyant. Elle entend des murmures imaginaires, des échos d’elle-même qui se débattent dans ce chaos. Mais elle ne bouge pas. Elle reste figée, à la fois victime et témoin de son propre tumulte.


Un semblable


Dans cette unité,

Caroline cherche.

Pas un sauveur.

Pas un juge.

Juste un semblable.

Un regard.

Un regard qui ne fuirait pas,

qui oserait voir sa peine sans détourner les yeux.

Elle rêve de ce moment,

où deux solitudes se croisent et se reconnaissent.


5 octobre 2024, 13h54

Le soleil traverse les fenêtres, dessinant des ombres nettes sur le sol. Caroline observe ces ombres, fascinée par leur mouvement. Elle se demande si, comme elles, elle peut se transformer. Peut-être que l’abîme, les océans, les vaisseaux maudits ne sont pas là pour la détruire, mais pour la recréer.


Elle ferme les yeux, et cette fois, elle imagine une lumière. Ce n’est pas une lumière extérieure, mais une flamme fragile au fond d’elle-même. Elle vacille, mais elle est là. Caroline fait un vœu : “Que cette flamme tienne.”


Un torse où fermer les yeux


Dans ses pensées, elle imagine ce qu’elle n’ose demander.

Un torse contre lequel elle pourrait poser sa tête,

un souffle régulier qui l’apaise,

des bras autour d’elle qui ne jugent pas,

qui ne demandent rien.

Caroline veut fermer les yeux,

juste un instant,

et oublier.

Oublier le froid,

la peur,

le vide.

Elle sait que ce désir est simple, presque banal,

mais il est immense pour elle.

Parce que dans ce contact

il y aurait un rappel :

elle est encore humaine.

Encore digne d’être touchée,

embrassée,

aimée.


Résumé des titres :


Comments


bottom of page